Franà§ois-Charles écrit à son neveu Georges-René de Beaujeu, habitant au Canada. Il est maintenant au courant de la mort de Jacques-Philippe Saveuse. Franà§ois-Charles expose à son neveu la nature de sa situation financière, supposant sans doute que c'est ce dernier maintenant qui se chargera de lui faire parvenir sa pension provenant de la succession de JDE.
Organisation sociale, activités économiques, réalités politiques, maladie
Mon cher neveu, voici la troisieme lettre que je vous
adresse à mon frère, ainsi qu’à toi, depuis le mois
de juin 1832[1]. Mon dernier courier était en réponse à
la perte affreuse que nous avons faite[2], et que tu dois
avoir reà§u si toutes fois le choléra qui, dit-on, s’est
jetté sur Newyorck avec la plus violente intensité[3]; n’a
pas mis obstacle à sa réception; et c’est d’après cette
crainte que je me décide à te répetter icy, ce que je te
mandais dans ma derniere.
Tu ne dois pas douter, mon ami, à quel point la perte
que tu m’as annoncée, a dà» àªtre terrassante pour mon
à¢me! Non, je ne m’attendais pas à ce surcroit de malheur!
Eh! grand Dieu! n’avais-je pas assez de mes propres
peines; sans avoir à pleurer le meilleur des frères?
Donne nous, le plutà´t, des nouvelles de toute la famille.
Parle nous, surtout, de ta malheureuse mère, dis lui
qu’elle ne doute jamais de notre vif intéràªt pour elle,
intéràªt qui rejaillit sur vous, mes bien aimés enfans.
Permets que je te parle maintenant de ton malheureux
oncle, et de ta tante, tous deux réduits |par la dernière
révolution| au dénuement le plus affreux[4].
Ma femme s’est vue dépouillée d’une pension de mille
francs, son unique éxistence. Les douze cents francs
de pension qui me sont dà»s par le testament de notre oncle,
le baron de Longueuà¯l, et que mon frère était
chargé de me payer; sont restés, depuis deux ans,
dans les mains de ce màªme frère pour répondre à
une somme de quatre mille francs qu’il me fit
passer par Mr Hart Logan de Londres, le deux
mars 1831. Je dois te faire remarquer qu’à cette
époque mon frère me devait une année qui, s’est trouvée
comprise dans l’envoi des quatre mille francs.
Quoiqu’il en soit, je reclame secours, de vous tous; car
n’ayant plus que ma faible retraite de douze cents francs,
sur lesquels je suis forcé de prélever un loyer de quatre cents
francs |puisque je n’ai pà» faire résilier mon bail|
il ne nous reste donc que huit cents francs pour toute
éxistence, dans un moment, surtout, o๠les denrées sont
hors de prix; tu peux juger facilement de la vie pénible
que doivent trainer des personnes de notre à¢ge, ne
possédant d’autres ressources que celle dont je te parle[5].
C’est donc à votre intéràªt, à votre amitié, que nous
pouvons avoir recours; je les adjure donc au nom de
la Divinité! Mais mon à¢me se rassure, non, non,
le màªme sang coule dans nos veines, et toujours le plus
tendre sentiment pour les miens, fut mon partage.
Tu ne dois pas douter, mon cher neveu, avec quelle
impatience j’attends de vos nouvelles. Dieu fasse qu’elles
soient conformes à mes souhaits pour vous!
Adieu, mon cher George, ma femme se réunit a moi
pour vous réitérer l’assurance de notre inviolable
sentiment, et de la part bien vive, bien sincère, que nous
avons prise à votre malheur, malheur qui nous
était commun!
Tout à toi ton oncle
Le Cte de Beaujeu
Au Plessis Chamant
près Senlis ce 25 8bre 1832.
P03/A.279, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le