Franà§ois-Charles écrit de Senlis à son frère Jacques-Philippe Saveuse de Beaujeu habitant au Canada. Il lui confirme avoir reà§u une lettre et de l’argent de sa part et ajoute qu’il n’a plus de nouvelle d’Amédée. Il est question d’un échange de portraits entre son frère et lui. Franà§ois-Charles s’informe aussi de son autre frère, parle de la situation dans laquelle il vit et donne les détails financiers de celle-ci.
Activités économiques, organisation sociale, éléments du climat
Primata[1]
Senlis ce 12 avril 1817.
Je n’ai reà§u, mon ami, votre lettre dattée du vingt aoà»t 1816[2],
que dans le courant de février 1817, dans laquelle vous m’annoncez
que Mr Logan[3] veut bien se charger de me faire toucher une
somme de quarante cinq livres, cours d’Halifax, ce que ce monsieur
a fait effectivement, en m’envoyant par un Anglois de mes
amis ( résidant à Londres ) £ 35.11.4 sterling qui, sans
doute, montent à la somme dont vous me parlez.
Non, mon ami, je n’ai point joui du bonheur de revoir
mon fils, et malgré que je n’aye aucune certitude de sa mort;
je ne puis me faire la moindre illusion sur son éxistence.
Oui, tout est fini pour lui[4]! Cette perte manquoit à toutes mes
peines; Dieu en a voulu combler la mesure, que Sa volonté
soit faite!
Vous ne me dites rien, mon cher frere, de votre compagne, de
vos chers enfans? Ah! ne doutez jamais que tout ce qui vous
intéresse, a des droits sacrés sur mon cÅ“ur, qu’un de
mes plus grands chagrins en perdant ma fortune, a bien été
celui de me voir privé de notre réunion. Mais, j’eusse été trop
heureux! Que je souffre, mon bon ami, de ne pouvoir répondre
dans ce moment, à votre demande autant obligeante que sensible!
J’habite une ville qui ne possède pas un seul peintre, il faudroit
donc me rendre à Paris, et ma santé s’y oppose depuis deux
mois. Croyez bien cependant, mon bon ami, que je m’empresserai
à saisir la prémière occasion de vous faire l’envoi que vous me demandez.
Que je serois heureux si le peintre en vous offrant mes traits;
pouvoit encore leur donner l’empreinte de mes sentimens pour
vous!
Que vous seriez aimable, mon ami, de me faire aussi l’envoi de
votre portrait? Croyez bien que ce seroit un doux échange
auquel j’attache infiniment de prix!
Pourquoi le chevalier s’est-il donc retiré dans la solitude?
Seroit-il malheureux? Si vous lui écrivez, parlez lui de son
vieux frère, peignez lui mes sentimens, embrassez le pour moi
ainsi que notre bonne sœur.
Les saisons sont boulleversées, nous n’avons plus ni printems
ni été, tout en France est à un prix fou[5], et pas un moyen
d’obtenir la moindre place. On ne s’y occuppe que de
réformes afin de payer la dette contractée avec les puissances
alliées[6]. Jugez, mon ami, après avoir perdu une seconde fois
tout ce que je possédois, l’état pénible o๠je suis réduit;
je n’ai pour tout moyen d’éxistence qu’une retraite[7] de onze cents
francs, et une place dans les foràªts[8] qui me donne huit cents francs,
sur lesquels, je suis obligé de nourrir un cheval qui m’emporte
la moitié de cette dernière somme; joignez encore à cette dépense
dépense, deux mille francs de dettes que j’ai contractées lors de mon dernier
pillage[9], ne possédant, à cette époque, que les vàªtemens que j’avois
sur le corps.
Veuillez, mon ami, me rappeller au souvenir de votre compagne,
et de vos enfans, dont j’ignore le nombre, et qui, je me plais
a le penser, vous donnent toute la satisfaction que vous avez
droit d’en attendre.
Adieu, mon cher frère, recevez mes sincères remercimens
de vos tendres soins pour moi, n’oubliez pas notre échange
et comptez pour la vie, sur toute l’affection de votre ami et
frère.
Le Cte de Beaujeu
P03/A.253, Fonds De Beaujeu, Centre d'histoire La Presqu'à®le