1777-1783 : Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil

Résumé du document

Mémoire écrit pour Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil après aoà»t 1777 et probablement avant 1783. Ce document contient des informations sur la population, l'agriculture et l'établissement des terres du Roy dans la province de Québec. Certaines indications nous laissent penser que c'est un brouillon dont s'est servi Joseph-Dominique-Emmanuel pour une allocution devant le Conseil législatif.

Mots clés

Activités économiques, occupation du sol, réalités culturelles, réalités politiques

Transcription


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 1

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Remarques et observations que fait
l’hon[ora]ble Lemoine de Longueuil un des conseillers
de sa Majesté, au conseil législatif de la
province de Quebec, sur la population
l’agriculture, et l’établissement des
terres du Roy.

Concernant la population

Chirurgien
Art. ler

Il est necessaire d’observer que depuis
plusieures années, et surtout depuis la reforme
des trouppes il s’est répandu dans les villes et
campagnes de cette province des espaices de
chirurgiens, sans rien connaitre dans cet art
<qui dénués des connaissances nécessaires à  cet art,>
sont la cause de la mort des peres et meres
ainsi que des enfans, surtout parmi les
habitans des campagnes, et leur prennent
des sommes très considerables, au delà  du prix
que de bons medecins prendroient; ces sortes
de medecins ou chirurgiens sont vu ont été
dans l’armée soldats dans l’armée ou domestiques des
chirurgiens, particulierement allemands,
ce qui fait un tort notable a la population
de cette province, par conséquent il


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 2

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est necessaire d’y apporter un remede
prompt pour faire cesser ce desordre.
Mon opinion serait qu'il fut nommé un
<est qu’on nomme un>
comité à  Québec et à  Montréal, chacun
de deux ou trois des plus habiles docteurs
en medecine pour faire passer à  l’examen
tous ces espaices de soi-disant medecins et chirurgiens
pour etre approuvés et comissionés s’ils
ont la capacité que cet art requiert; ou
qu'ils leur soit fait defenses
<si non, que défense leur soit faite,> sous telles
peines qu’il plaira fixer, de ne jamais
travailler en la qualité de medecins ou
chirurgiens; seul moyen pourd’arràªter
les mortalités qui sont si frequentes
et dont ils sont les auteurs et par ce
mon moyen reglement, les docteurs qui
commissionés, qui ont la capacité requise, seront
plus a màªme de gagner leur vie.

2e
Voyageurs

Il est bon d’observer encore que ce qui porte un
préjudice notable à  la population ce sont
les voyages des pays d’en haut; les plusieurs habitans,
engagés par les marchands pour ces voyages,
plusieurs y restent dix, quinze ans sans
redescendre; quelqu’autres ne reviennent
jamais et le plus souvent ce sont des hommes ivrognes


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 3

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mariés qui laissent leurs femmes et leurs enfans
à  la mendicité le plus grand nombre desquels
sont ivrognes. Il arrive presque toujours que
les marchands voyageurs, ainsi qu’ils en
conviennent eux màªmes, que dans l'hiver revenu
ils leurs avancent de l’eau de vie a un prix
exorbitant non seulement pour payer leurs
gages de l’année, mais encore ils leurs avancent
sur les gages de l’année suivante afin de la
conserver ces engagés avec eux, de sorte qu’ils
doivent toujours a leurs bourgeois et ne peuvent
descendre pour rejoindre leurs familles.
Il arrive le plus souvent que les bourgeois
se revendent les uns aux autres ces sortes
d’engagés qui se trouvent par ce moyen des
especes d’esclaves dans les postes des pays
d’en haut, o๠il n’y a aucune jurisdiction
légale, de sorte que les terres qu’ils ont
abandonnées a leurs femmes et enfans restent
incultent et la famille tombe entierement
dans la misere et <se porte a des excès horribles>. Il conviendroit qu’il fà»t
défendu aux marchands voyageurs de garder
un engagé plus d’une année et l’obliger de le
faire descendre sous une peine; et qu’en cas
d’hivernement une partie des gages fut payée à  la femme
pour sa subsistance et celle des enfans; ce que les bourgeois
promettent souvent, mais n’éxécutent pas, sous prétexte des
dépenses faites en haut par les maris; un baril d’eau de vie
y absorbant tout.


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 4

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Art. 3
Cabarets

Il est a observer qu’il en résulte un tort
considerable a la population par la quantité
de cantines ou cabarets qui se sont multipliés
dans cette province en trop grande quantité.
La facilité, que les habitans trouvent dans
ces cantines a boire, les rendent ivrognes
ainsi que leurs femmes et enfans de sorte
que leurs terres passent entre leurs mains des
cantiniers ou sont vendues pour payer les
dettes qu’ils ont contractées envers les cantiniers eux.
Par conséquent les familles se trouvent
ruinées et entraà®nent avec elles mille
desordres dans la province. Il conviendroit
qu’il n’y eut dans les villes, faubourgs et
campagnes qu’un certain nombre de
cantiniers et qui eussent de bonnes
mÅ“urs, qu’il leur fut fait défenses de
donner à  boire chez eux à  credit et que s’il
arrivoit que quelques cantiniers violà¢ssent
cette regle à  quelques somme que son
compte se fusse montà¢t, il lui sera ne lui soit alloué
par aucune cour de justice qu’une demie
piastre.

Art. 4
Moutons

Il s’est glissé un abus intolérable dans cette
province a l’occasion de la population des


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 5

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moutons, de laisser continuellement les
beliers avec les meres moutonnes; il en
resulte qu’elles moutonnes tout amenent leurs petits
dans presque tous les mois de l’hiver et dans
cette saison il est presque impossible presque d’en
sauver aucuns. Il conviendroit pour
arràªter cet abus que les males fussent séparés
des femelles depuis la mois fin d’aoust jusqu’au
mois de fevrier, alors les meres feroient leurs
petits dans le mois de may qui est la belle
saison et la force des herbes et il n’est pas
douteux que tous les petits s’eleveroient avec
facilité et formeroient des troupeaux
nombreux dans cette province qui seroient
très avantageux non seulement aux
habitans mais màªme au commerce.

Art. 5
BÅ“ufs

Il y a encore un très grand abus dans cette
province à  l’occasion des bàªtes a cornes et particulierement pour les boeuf, les habitans
pour l’ordinaire ne les font couper leurs bœufs
quâ€™à  l’age de 3 ans; de sorte que ces jeunes
bœufs s’enervent, ce qui les empeche de
grandir et grossir, il conviendroit que les
habitans fissent couper les vaux dessous la mere


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 6

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et qu’il fut defendu aux habitans d’avoir
aucuns taureaux, alors les seigneurs de
chaque paroisse seroient tenus et obligés de
leurs en fournir de la bonne espece qu’ils
feroient distribuer dans les différentes parties
de sa seigneurie pour la commodité des
ses habitans afin d’avoir de beaux écrois dont
les habitans payeroient a leurs seigneurs
un chelin pour chaque vache qu’ils feront
emplir pour les indemniser des depenses
qu’ils feront pour l’entretient des d[its] tauraux.

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Chevaux

Il y a aussi un très grand abus concernant
les chevaux, il y a peu d’habitans dans cette
province qui n’aye depuis 4 et 5 chevaux
jusqu’a 10 de sorte que si un habitant a cinq
garà§ons ils ont chacun leur cheval outre ceux
qui appartiennent au pere, il arrive presque
toujours que ces jeunes gens, pour entretenir
leurs chevaux en bon etat les nourissent
avec le bled ou autres grains qu’ils vont
prendre en cachette soit dans le grenier
de la maison ou dans la grange
<de leur père ce qui les ruine totalement et
dont on devroit y apporter remede.> Les
chevaux de cette province sont très bons
tant pour le travail que pour la voiture.
On pourroit les rendre encore meilleurs si l’on


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 7

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obligeoit les seigneurs de chaque paroisse
d’avoir de très beaux etalons <du pays> pour faire
emplir les juments et defendre absolument
a toute autre personne sous un temps
limité d’avoir des chevaux entiers, alors
les habitans les habitans payeroient pour
chaque jument qu’ils feront emplir au
seigneur, cinq chelins <a leur seigneur> pour l’entretient
et nourriture desdits etalons. Ce qui pourroit
faire un commerce, soit avec les colonies voisines
ou les isles qui seroit avantageux au Canada.

Que cependant il pourroit etre aussi
avantageux de convertir tous ces chevaux
en bœufs <qui seront egalement en etat de faire
les travaux de leur terres>
a l’exception que chaque habitant
qui auroit une terre pourroit en avoir
deux, sans compter les ecrois qu’ils eleveroient.

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Agriculture

La province reà§oit tous les ans un dommage
considerable par les cochons, ces animaux, dans le
temps de l’abandon courent partout, fouillent
les prairies et les autres terres, ce qui empeche
de produire du foin et la cause qu’il pousse
quantité de mauvaises herbes sur les terres
malgré les ordonnances qui ont été etablies
a cet effet. Le mal subsiste encore, il
conviendroit que les cochons n'eussent


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Mémoire de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne de Longueuil, page 8

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[alenés], cela les empecheroient de fouiller
et on ne sà§auroit prendre trop de precautions
pour empecher ce desordre; on pourroit
l’arràªter en condamnant le proprietaire
des cochons a payer une forte amende.

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Il y a encore un abus, à  l’occasion de
l’abandon des animaux dans cette province,
qui il est très ancien, mais les desordres
qui se commettent à  cette occasion, nous
a fait connoitre depuis très longtemps
qu’elle devenoit
très préjudiciable aux
habitans; la perte des animaux qui se fait
dans ce temps, les difficultés entre habitans,
les pois et avoine qui se trouvent encore sur les
terres dans cette saison et qui sont presque toujours
ruinés, les guerets faits pour semer l’année
suivante se trouvent tout pilotés ce qui
empeche la culture convenable des terres
l'habitant en reà§oit un sont autant de prejudices notables.
Si l’habitant s'il tenoit ses clotures en bon ordre, ses animaux
fumeroient sa terre, paccageroient en partie
dans les bois de bout; par conséquent il [avanceroit]
sa terre par le défrichement que ses animaux
y feroient,aussi qu'il est des age en cette
province
et en tireroit certainement un grand


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